En coaching, la finitude de l’accompagnement est source de potentialités. On pourrait même dire que le cadre fini, déterminé temporellement, permet à l’infini de s’y déployer, sous la forme d’une dynamique du désir retrouvée.
Depuis l’Antiquité, notre perception du fini et de l’infini parlent de notre représentation du monde et de nos croyances. Dans la philosophie grecque, le fini, c’est-à-dire « le degré de détermination d’une notion ou d’une chose, ce qui fait qu’elle a un caractère précis, achevé dans son ordre »1, est valorisé pour ses possibilités de maitrise : ordre, mesure, harmonie lui sont associés ; tandis que l’infini, c’est à-dire l’indéterminé, est perçu comme un désordre, une démesure, une porte d’entrée sur le mystère.
La théologie et la philosophie chrétienne réhabilitent ensuite l’infini, en l’associant à la plénitude de l’être, à la perfection, au tout-puissant.
C’est la philosophie contemporaine, avec Heidegger, qui s’intéresse à nouveau à la finitude, en tant que « tragique de la condition humaine », limitation liée à la mortalité.
Au 20ème siècle, la société de consommation nous plongera dans l’illusion de l’illimité. Au 21eme siècle, les effets concrets du dérèglement climatique nous ramèneront à la réalité de la finitude à l’échelle de l’humanité.
Le coaching est inspirant pour tirer parti de cette finitude en conscience : il réunit fini et infini dans un rapport dialogique2 au sein de chaque accompagnement :
- L’infini du côté du désir, qui croit au cours du coaching, et tend vers une nouvelle dynamique biologique, intrapsychique et systémique, qui se prolongera après le coaching.
- Le fini du côté du cadre délimité, clé de voute du coaching, qui sécurise la personne accompagnée, donne son sens à cette série de rencontres, et permet la mise en mouvement.
En coaching, pas d’émergence sans la sécurité d’un cadre, et pas de cadre construit sans une envie de se projeter dans un avenir.
Pour le coach, c’est un dosage à conduire, entre laisser émerger cette dynamique du désir, qui est porteuse d’un nouveau souffle pour la personne et de changements identitaires, et canaliser les énergies et permettre la mise en pensée, pour ne pas mettre en danger la personne.
L’Analyse Transactionnelle, théorie humaniste et contractuelle, fondée par Eric Berne3, nous fournit une lecture particulièrement opérante des effets de la finitude -, matérialisée par un nombre de séances défini -, sur le bon fonctionnement d’un coaching. Ce cadre délimité :
- répond au besoin de structure de la personne accompagnée.
- pose explicitement l’autonomie comme principe fondamental, et en filigrane la confiance du coach dans la capacité de son client à atteindre son objectif.
- établit et renforce le processus de contractualisation en l’inscrivant dans le temps.
- a un effet favorable sur la dynamique des trois Etats du moi4 du client :
- stimule son Etat du moi Adulte, par une logique d’objectif et de contrat,
- rassure son Parent structural sur le fait qu’il ne va pas perdre du contrôle définitivement, et lui permet de baisser sa garde,
- contient l’Enfant structural (effet du cadre plus largement) et lui permet de désirer, ressentir, explorer.
Cette perspective temporelle délimitée réduit ainsi l’effet des mécanismes de défense et favorise l’émergence du désir et des émotions.
Par ailleurs, dans la relation d’accompagnement, la temporalité définie permet d’éviter les relations d’emprise ou de dépendance mutuelle en programmant l’arrêt de la relation, et garantit la liberté dans le système coach-coaché.
Enfin, dans un contexte d’entreprise ou institutionnel, ce cadre déterminé rassure les Etats du moi de la culture de l’organisation, qui peut ainsi tolérer le développement momentané d’un espace tiers d’expression.
Et si cette dynamique fertile engendrée par la finitude en coaching pouvait nous inspirer dans notre quotidien pour nous mettre en mouvement pour protéger la planète et par là-même nous-mêmes ?
1 Universalis.
2 Avec Edgar Morin, dont l’œuvre majeure est « La méthode », le terme de dialogique signifie que deux principes sont unis sans que la dualité se perde dans cette unité.
3 Théorie présentée dans son ouvrage « Transactional Analysis in Pyschotherapy », 1961.
4 Définition d’un Etat du moi : « ensemble cohérent de pensées et de sentiments directement associé à un ensemble correspondant de comportements ». Eric Berne.
5 Un pavage en mathématiques reproduit un motif par translation ; les parties du plan juxtaposées forment le plan tout entier.