Le modèle de l’entreprise libérée en grand groupe : un retour d’expérience sur l’apport du coaching pour accompagner ce changement.
La mise en place par de plus en plus d’entreprises du modèle de l’entreprise libérée incarne une autre vision du fonctionnement des organisations et de l’homme au travail. Il se fonde sur les valeurs de confiance et de liberté individuelle.
Les grands groupes commencent aujourd’hui à s’inspirer de ce modèle, initié en France par de petites et moyennes structures. Certains le mettent véritablement en place dans leurs pratiques, dans le cadre d’une refondation de leur modèle managérial.
Très concrètement il s’agit de donner un pouvoir décisionnel aux équipes opérationnelles, entièrement responsables de leur activité. La ligne stratégique est donnée par la Direction du groupe ou de la branche mais est alimentée par les équipes. Celles-ci ont une liberté totale d’organisation, prenant leurs propres décisions commerciales, RH, de gestion financière et d’organisation concrète du travail. Le salarié est invité à y collaborer librement, à exprimer ses préconisations et ses souhaits pour son activité. Valorisé et responsabilisé, il est partie prenante de toutes les décisions.
Après quelques mois de mise en place de ce modèle, les effets peuvent être déjà très significatifs :
- révélation de collaborateurs qui se cantonnaient à exécuter, sous l’effet de l' »empowerment » qui leur est confié,
- approfondissement des relations entre les équipiers, qui deviennent plus authentiques, sous l’effet d’une autorisation implicite à être davantage « soi-même » au travail,
- déploiement d’un véritable leadership collectif (tactiques collectives, créativité accrue) et accroissement de la productivité grâce à la simplification des courroies opérationnelles.
Le plus souvent initié par une entité locale, ce modèle, s’il s’est révélé fructueux, irrigue ensuite petit à petit le groupe de son énergie libérée et ses valeurs humanistes.
Cependant le passage au modèle de l’entreprise libérée comporte aussi des difficultés à surmonter, plus ou moins marquées selon la culture d’entreprise : fonctionner désormais sans hiérarchie, sans accompagnement au quotidien et sans signes de reconnaissance « parentaux » ; s’autoriser réellement cette nouvelle liberté, à sortir du cadre (les fonctionnements anciens peuvent insidieusement rester en place), trouver sa place dans un groupe, à partir de la personne que l’on est, et plus seulement à partir de l’étiquette de son poste, limiter la charge de travail, la forte implication générée par le système pouvant conduire à des excès (travailler trop).
Ces écueils peuvent être surmontés en instaurant un dialogue régulier et une véritable élaboration collective des difficultés, au sein d’instances de régulation Un processus de décision et des règles de vivre ensemble doivent également être co-définies. Mais le recours au coaching reste indispensable pour traverser certains passages. En environnement libéré, il a des thèmes et modalités bien spécifiques.
En coaching individuel il s’agit tout d’abord fréquemment d’accompagner le dirigeant qui se situe à un niveau stratégique et à l’initiative de cette transformation : travail sur sa posture, afin d’exercer une nouvelle forme d’autorité, non interventionniste, qui respecte et développe le pouvoir des équipes (position de dirigeant-coach).
Il s’agit également d’accompagner les anciens managers qui deviennent des équipiers et perdent une certaine position dans l’entreprise. Ils doivent faire un deuil, et trouver comment exercer une nouvelle forme de leadership, dans une forte interdépendance.
Plus généralement la question de la place, – comment trouver sa place dans un fonctionnement libéré – est souvent posée. Elle appelle une réflexion identitaire, et sur le sens que prend ce nouveau rôle dans sa trajectoire. Parfois l’issue sera un départ, parfois une position réinventée au sein de l’équipe.
Enfin le coaching est un appui précieux pour repérer et résister aux injonctions hiérarchiques que l’équipe va continuer de recevoir de l’entreprise : identifier ce qui peut perturber l’activité, élaborer des propositions différentes… Le coaching, dans une perspective systémique, réduit le risque d’être pris dans des paradoxes, entre initiative et directives environnantes.
Concernant les modalités du coaching, il est essentiel qu’elles s’adaptent au contexte libéré : contrat bipartite préférable, implication de la personne coachée dans l’élaboration du contrat de coaching… L’approche « par le cadre», qui centre l’intervention de coaching sur l’utilisation d’un cadre propice à la libre expression et à l’avènement du sujet, est également particulièrement appropriée.
On notera que le vécu même du coaching par la personne pourra nécessiter un travail, l’espace personnel du coaching pouvant entrer en conflit avec la pression de conformité groupe.
Enfin et surtout, et c’est le champ du coaching d’équipe, la mise en place de cette forme d’organisation doit être précédée d’une réflexion collective approfondie sur un projet d’équipe ou d’entité. Elle ne doit en aucun cas être décrétée, sinon elle occasionnera de fortes résistances dans la mise en œuvre. Les salariés réticents pourront par exemple refuser ce qu’ils perçoivent comme une injonction à être heureux au travail. Travail sur le désir de changement des collaborateurs, mise au jour des différentes représentations de la situation cible, puis engagement véritable de tous.
Pour conclure, le chemin vers le modèle de l’entreprise libérée dans un grand groupe n’est ni le chemin vers une utopie, ni la mise en place d’un système autoritaire où tout le monde serait tenu d’être heureux au travail. Il doit être fondé sur le réalisme, la tolérance et le désir de tous, et être accompagné dans ses étapes clés.